Dans une carrière marquée par un jeu de jambes inégalé, une précision chirurgicale et une intelligence de ring presque surnaturelle, Vasiliy Lomachenko – surnommé « The Matrix » – a annoncé sa retraite de la boxe professionnelle à l’âge de 37 ans. Une décision qui secoue le monde de la boxe et soulève une question essentielle : est-ce vraiment le bon moment pour raccrocher les gants ?

Un héritage de grandeur
Le palmarès de Lomachenko tient du conte de fées. Double champion olympique (Pékin 2008, Londres 2012), il passe professionnel en 2013 avec une ambition sans précédent. Dès son deuxième combat, il dispute un titre mondial. Lors de son troisième, il devient déjà champion du monde — un exploit quasiment inédit.
Au fil des années, Lomachenko gravit les catégories avec aisance, remportant des ceintures dans trois divisions : poids plume, super-plume et poids léger. Son bilan — 18 victoires pour seulement 3 défaites — ne raconte pas seulement des résultats, mais la manière dont il s’est imposé. Ses mouvements, son timing et ses angles rendaient ses adversaires les plus aguerris impuissants. Il ne se contentait pas de gagner — il démontait ses opposants.
Pourquoi maintenant ?
Son dernier combat — une démonstration contre George Kambosos Jr. en mai 2024 — a prouvé qu’il était toujours au sommet. Il a totalement dominé l’ancien champion unifié pour s’emparer du titre IBF des poids légers, en offrant une nouvelle masterclass technique.
Alors, pourquoi partir maintenant ?
Dans un communiqué, Lomachenko a expliqué vouloir se consacrer à sa famille, à sa santé et à sa vie hors du ring. « J’ai tout donné à la boxe », a-t-il déclaré. « Il est temps de me consacrer à ceux que j’aime. » Son père et entraîneur de toujours, Anatoly Lomachenko, a soutenu cette décision, affirmant qu’elle avait été mûrement réfléchie.
Une sortie calculée
Contrairement à de nombreux boxeurs qui restent trop longtemps, attirés par un dernier gros chèque ou en quête de rédemption, la retraite de Lomachenko semble calculée — presque poétique. Il part au sommet, toujours aussi respecté, avec une image intacte. Peu de boxeurs ont ce privilège.
Ce départ peut également refléter son désenchantement face à la politique du milieu : conflits entre promoteurs, ceintures fragmentées, combats impossibles à organiser. À 37 ans, il a sans doute compris que poursuivre ne servirait plus ses objectifs profonds.
Ce que la boxe perd
Lomachenko n’était pas qu’un boxeur. C’était un phénomène. À chaque apparition, les fans n’assistaient pas simplement à un combat, mais à un spectacle artistique. Son jeu de jambes évoquait la danse, ses enchaînements rappelaient le jazz. Il anticipait et manipulait ses adversaires comme s’il pouvait lire leurs pensées.
Son influence va bien au-delà de son palmarès. Il a changé la manière dont les jeunes s’entraînent. Aujourd’hui, les nouvelles générations s’inspirent de lui pour travailler les angles, la coordination, la réflexion rapide. Les entraîneurs étudient ses vidéos comme des chefs-d’œuvre. Son surnom, « The Matrix », n’était pas une exagération — il boxait dans une autre dimension.
Et maintenant ?
Lomachenko a laissé entendre qu’il pourrait transmettre son savoir, peut-être en tant qu’entraîneur ou mentor. Avec son perfectionnisme et son esprit analytique, il pourrait exceller dans ce rôle. Certains parlent aussi d’un engagement plus fort en Ukraine, son pays durement touché par la guerre. Il pourrait y jouer un rôle humanitaire ou sportif.
Il laisse un vide — non seulement chez les poids légers, mais dans tout le monde de la boxe. Peu de combattants actuels possèdent son style, son aura et son influence. Son départ marque la fin d’une époque, celle d’une boxe pensée comme un art, un langage, une science.
Conclusion
Vasiliy Lomachenko prend sa retraite à 37 ans, et malgré la surprise de certains, c’est peut-être la sortie idéale. Il quitte la scène sur une victoire éclatante, avec un palmarès exceptionnel et le respect de tous. Dans un sport brutal où tant de héros s’éteignent sans s’en rendre compte, Lomachenko choisit la clarté et la paix.
Est-ce le bon moment ? Pour The Matrix, c’est peut-être le seul moment possible. Car quand on a dominé le jeu à un niveau inaccessible aux autres — que reste-t-il à prouver ?
Adieu, Vasiliy. Tu n’as pas seulement boxé. Tu as redéfini la boxe.