Le Heinkel He 177 Greif (Griffin) était un avion condamné dès sa conception. Sa conception était intrinsèquement défectueuse, ses moteurs prenaient fréquemment feu et son développement a nécessité cinq ans. Pour couronner le tout, les pilotes allemands le détestaient.
Surnommé peu enviable « Cercueil volant » ou « Briquet de la Luftwaffe », l’avion fut en proie à des problèmes de moteur, conséquence d’une directive absurde obligeant les concepteurs à concevoir des bombardiers capables de piquer. Initialement nécessaire pour aider les équipages à améliorer leur précision, cette exigence devint évidente et sonnerait le glas du He 177. Il ne pouvait tout simplement pas répondre aux exigences de la hiérarchie nazie.
Avec des vitesses de croisière et des vitesses maximales bien supérieures à celles que les bombardiers lourds alliés pouvaient atteindre, le Griffin avait un énorme potentiel, mais au moment où les hauts gradés allemands s’en sont rendu compte, il était trop tard.
Initialement conçu selon une doctrine de 1936, baptisée « Bombardier A », il devait être un bombardier à long rayon d’action. Puis, la directive a insisté sur le fait qu’il devait être adapté au bombardement en piqué à angle modéré, et il a dû être repensé.

On observait également une étrange insistance sur le Heinkel à n’utiliser que deux moteurs-nacelles, chacun devant produire 1 500 kW de puissance. Cette mesure était censée réduire la traînée, mais elle a créé des incendies et des morts.
Pour lui donner la puissance nécessaire, le Flaming Coffin était équipé de quatre moteurs. Deux étaient montés sur chaque aile, mais chacun entraînait une hélice. Les premières versions de l’avion présentaient de tels problèmes qu’on les appelait Flying Coffin ou Lighter en raison de la tendance inquiétante des moteurs à prendre feu.
L’un des principaux problèmes résidait dans la chaleur dégagée par les moteurs. Le système de refroidissement par évaporation basé sur les ailes s’est avéré insuffisant et a dû être abandonné au profit d’un système de radiateur classique.
Le premier vol d’essai eut lieu deux mois après le début de la Seconde Guerre mondiale, et il prouva rapidement que les concepteurs devaient se remettre à la planche à dessin. Quoi qu’il en soit, Heinkel continua de se tromper, le deuxième avion se brisant en plein vol.
Lorsque le He 177 fut introduit au combat, il était trop tard pour renverser le cours de la guerre en faveur des nazis. Des ajustements obsessionnels et des doctrines inutiles avaient coûté aux Allemands ce qui aurait pu être une arme précieuse.
Le Griffin allait finalement évoluer vers quelque chose d’utile, mais cela arriva bien trop tard pour avoir un impact significatif sur l’effort de guerre.

Un exemple où elle fut utilisée fut le bombardement de la ville de Velikiye Luki dans ce qui allait finalement être un exercice infructueux puisque les Allemands y furent vaincus en janvier 1943.
Même l’armement défensif de l’avion n’était pas à l’abri des retouches, des modifications et des interférences. La conception initiale prévoyait trois tourelles télécommandées, commandées depuis le cockpit, dont une dans la queue. Les travaux sur ce type de système défensif n’ayant pas suffisamment progressé pour répondre aux spécifications du Heinkel He 177, le Flaming Coffin dut être à nouveau modifié.
Les tourelles distantes étaient plus petites, pesaient moins et produisaient moins de traînée, ce qui signifie que la conception a dû être modifiée pour tenir compte d’une augmentation de ces trois éléments.
En conséquence, le fuselage de l’avion a dû être renforcé pour supporter la nouvelle charge, ce qui a encore retardé la mise en service du Heinkel.
Le cercle vicieux du He 177 représentait un véritable casse-tête pour les ingénieurs. Chaque modification entraînait généralement une augmentation de la traînée, ce qui réduisait le rendement énergétique. Un réservoir plus grand devait être ajouté pour conférer à l’avion l’autonomie requise. Il fallait donc le renforcer, ce qui augmentait son poids et nécessitait donc davantage de carburant.
Sur le plan opérationnel, la situation ne s’améliora guère pour la Luftwaffe. Les pilotes rapportaient souvent de bonnes caractéristiques de vol, mais les problèmes de moteur, tout comme la résistance du châssis, le rendaient mortel.
Un exemple de son inadaptation ridicule aux opérations de combat est son utilisation comme navire de ravitaillement à Stalingrad. Il était également lamentablement inefficace pour évacuer les blessés.
Le Heinkel He 177 fut utilisé pour bombarder des villes et pour neutraliser les canons antiaériens. Sur les 13 missions (malheureuses) effectuées, sept appareils furent perdus à cause d’incendies. Aucun ne fut abattu par l’ennemi.

Les récits des malheurs du Griffin continuèrent. Durant l’opération Steinbock, une campagne de bombardement allemande contre la Grande-Bretagne qui se déroula de janvier à mai 1944, quatorze He 177 furent envoyés en raid.
Parmi ces quatorze appareils, un a crevé un pneu, huit sont rentrés à la base avec des problèmes de moteur et quatre ont atteint Londres.
En vol, l’avion se comportait bien. Les pilotes montaient fréquemment à 7 000 m d’altitude en territoire allemand, puis approchaient de leur destination en effectuant un piqué léger se transformant en vol plané avant d’amorcer une descente au-dessus de leur cible.
Après avoir largué leurs bombes, les pilotes remettaient les gaz et redescendaient jusqu’en territoire allemand. Ils atteignaient généralement leur point de chute à 750 m d’altitude. Cette tactique garantissait un taux de survie de 90 %, bien supérieur aux 40 % obtenus par les autres appareils.
Ce taux de réussite illustre ce qui aurait été possible si l’avion avait été mieux conçu et moins perturbé. L’avion avait un potentiel énorme, mais il ne l’a jamais atteint, mais cela a été une aide précieuse pour les forces alliées.